L'exemple du mois : application des données sur la population et les établissements humains

Comment les données démographiques sont-elles utilisées pour la réduction des risques de catastrophe et les interventions d’urgence ? 

Les données démographiques aident les gestionnaires des risques de catastrophe à évaluer la proportion de la population potentiellement à risque en raison de son exposition à un aléa. En outre, ces données aident les responsables pour la réponse aux catastrophes à évaluer le nombre de personnes résidant dans une zone touchée. Les cartes d'exposition sont générées en superposant les données sur la population avec les couches liées aux aléas. Les informations sur le nombre de personnes exposées sont bénéfiques lorsqu’un événement majeur tel qu'une tempête, se prépare. En effet, elles permettent d’identifier des zones à forte exposition qui seront alors évacuées en priorité, afin de sauver un nombre potentiellement important de vies. En outre, les cartes d'exposition peuvent également être utilisées pour étudier l'impact probable causé par un danger naturel. Des estimations peuvent effectivement être faites concernant l'étendue potentielle des dommages et le nombre probable de victimes en fonction du scénario d'événement catastrophique pris en compte. 

Alors que les données de recensement indiquent le nombre de personnes vivant dans une unité administrative, les données satellitaires indiquent où vivent les personnes et fournissent des informations sur les évolutions démographiques. Ces données sont donc utiles pour connaître l'exposition de la population et établir des cartographies de risques. Elles peuvent également contribuer au suivi de certains des indicateurs du Cadre de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe et des objectifs de développement durable. 

L'un des principaux avantages de l'imagerie satellitaire est que celle-ci est disponible quotidiennement, alors que les données de recensement national ne sont mises à jour que toutes les décennies, voire moins fréquemment en fonction de la disponibilité des fonds. L'imagerie satellitaire permet de suivre très fréquemment les changements démographiques. Par exemple, la donnée mondiale sur les établissements humains (Global Human Settlement Layer) et l’empreinte urbaine mondiale (Global Urban Footprint) suivent les dynamiques des zones de peuplement en croissance à l'aide de l'imagerie satellitaire. 

Les données démographiques issues des données satellitaires peuvent contribuer à la réalisation de la cible 2 du Cadre de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe 2015-2030, à savoir « une réduction substantielle du nombre de personnes touchées ». En outre, les données démographiques peuvent contribuer au suivi de certains objectifs de développement durable, comme l’objectif 11.3 : "D'ici à 2030, renforcer l'urbanisation inclusive et durable et les capacités de planification et de gestion participatives, intégrées et durables des établissements humains dans tous les pays". L'indicateur « rapport entre le taux de consommation des terres et le taux de croissance démographique » est actuellement proposé pour mesurer la réalisation de cet objectif, et des données sur les établissements humains telles que celle proposée par la donnée mondiale sur les établissements humains (Global Human Settlement Layer) (voir ci-dessous le lien vers les données), est envisagé comme source de données potentielle pour suivre cet indicateur. 

Comment les établissements urbains sont-ils cartographiés depuis l'espace et comment l'imagerie satellitaire contribue-t-elle à l'estimation des données démographiques ? 

Les données démographiques sont généralement collectées par le biais d'un recensement. Initialement collectées sous forme de données détaillées auprès des ménages, elles sont ensuite agrégées spatialement par unité administrative, par exemple, par municipalité (voir image du haut de la figure 1). Cela signifie que chaque pixel à l'intérieur d'une limite administrative se voit attribuer la même valeur de population, qu'il s'agisse d'une zone urbaine ou d'une forêt. Il est évident que les risques naturels ne suivent pas les frontières administratives et que les humains s'installent selon des schémas spécifiques qui ne sont pas non plus représentés par ces données démographiques agrégées. Par conséquent, pour créer des cartes d'exposition significatives au sein d’une limite administrative, il est nécessaire de désagréger les données du recensement. La désagrégation des données de recensement est possible en utilisant l'imagerie satellitaire comme c'est le cas par exemple avec les bases de données Worldpop et Landscan (voir figure 1). 

WorldPop et LandScan sont deux ensembles de données démographiques développés à l'aide de la télédétection. L'ensemble de données WorldPop est généré à l'aide d'images satellitaires, en particulier Landsat Enhanced Thematic Mapper (ETM) de résolution spatiale de 30 mètres, afin de cartographier les établissements humains. En combinant et pondérant un ensemble de données géospatiales et de télédétection (par exemple, les emplacements des établissements humains et leurs étendues, l’utilisation des sols, les routes, les cartes des bâtiments, les emplacements des établissements de santé, la végétation, la topographie), une estimation de la densité de population est générée. Ces cartes démographiques utilisent une grille de résolution 100 mètres par 100 mètres et représentent une répartition plus réaliste de la population dans un paysage que les unités administratives. 

Figure 1: Les données du recensement, agrégées par unité administrative (image du haut) peuvent être désagrégées spatialement à l'aide des images satellites sur la couverture terrestre  et des images satellites de nuit. L'image du bas montre le résultat de l'approche de modélisation aléatoire des forêts utilisée par WorldPop. Les cartes sont situées dans le nord du Vietnam. (http://www.worldpop.org.uk/about_our_work/case_studies). 

LandScan offre la meilleure résolution disponible (1 kilomètre) de la distribution mondiale de la population. L'algorithme LandScan utilise des données spatiales et une approche de modélisation dasymétrique à variables multiples pour désagréger les données de recensement à l'intérieur d'une limite administrative. Sur la base des données spatiales et de la compréhension socio-économique et culturelle d'une zone, les cellules sont pondérées de manière préférentielle pour la distribution possible de la population au cours d'une journée. Dans chaque pays, le modèle de répartition de la population calcule un coefficient de « vraisemblance » pour chaque cellule et applique les coefficients aux données de recensement correspondantes. La population totale pour une zone donnée est ensuite allouée proportionnellement à chaque cellule. Étant donné qu'aucun modèle de répartition de la population ne peut tenir compte des différences de disponibilité, de qualité, d'échelle et d'exactitude des données spatiales ainsi que des différences dans les pratiques culturelles, les modèles de répartition de la population LandScan sont adaptés pour correspondre aux conditions de données et à la nature géographique de chaque pays et région. 

Figure 2: La couche de données sur la distribution de la population de LandScan (http://web.ornl.gov/sci/landscan/index.shtml). 

Les exemples ci-dessus fournissent des estimations sur la répartition de la population dans le monde. En utilisant des images satellite archivées, il est également possible d’étudier les changements et évolutions de cette répartition. Il est important de comprendre et de mesurer les dynamiques de peuplement pour mettre à jour les cartes d'exposition aux risques, en particulier lorsque des franges urbaines peuplées de personnes vulnérables s'étendent dans des zones exposées à des aléas. 

Une approche innovante pour cartographier les dynamiques démographiques peut être mise en œuvre grâce à l'utilisation de données de téléphonie mobile, de jour comme de nuit, comme le montre la vidéo ci-dessous. Cette approche nécessite un réseau dense de tours cellulaires et  ne peut donc pas être mise en œuvre dans toutes les régions du monde. Même s'il ne s'agit pas d'une application spatiale, cette approche montre ce qui est possible pour collecter et estimer ces données extrêmement importantes. 

Vidéo: Cartographie dynamique de la population à l'aide des données de téléphonie mobile. Pour plus d'informations, lire l'article de Deville et al. (2014)

 

Comment puis-je accéder aux données sur la population et sur les établissements urbains ? 

Il existe plusieurs ensembles de données reposant sur la télédection, qui peuvent être utilisés pour évaluer la population. En plus des estimations démographiques, il existe également des produits supplémentaires liés à l'étendue urbaine mondiale, à la répartition des établissements humains, aux données socio-économiques et aux risques urbains. Les liens vers ces données sont présentés ci-dessous. 

Données démographiques : 

Autres données relatives aux milieux urbains :

Comment ces ensembles de données sont-ils utilisés pour la gestion des risques de catastrophe et pour les interventions d’urgence ? 

Un exemple opérationnel de l'utilisation de données démographiques satellitaires pour les interventions d'urgence est illustré avec le service de cartographie d'urgence de Copernicus (EMS). Le portefeuille Copernicus EMS pour la cartographie rapide comprend des cartes de référence et des cartes de délimitation. Les cartes de référence permettent de fournir rapidement des informations essentielles sur le territoire, en utilisant des données collectées avant la catastrophe. En combinant les informations de référence avec les données de population LandScan, Copernicus obtient une estimation des personnes exposées à un risque dans une zone d’intérêt. Les cartes de délimitation fournissent une évaluation de l'étendue géographique de l'événement. En combinant le polygone d'étendue géographique avec les données de population de Landscan, Copernicus estime le nombre de personnes touchées par un évènement. 

Par exemple, de fortes pluies ont provoquées de graves inondations au Malawi en janvier 2015. Ces inondations ont provoqué le déplacement de milliers de personnes et d'importants dégâts aux cultures, au bétail et aux infrastructures. Certaines zones étaient inaccessibles, ce qui a empêché d’évaluer les dommages et les pertes dans ces zones. Le système d’urgence de Copernicus (EMS) a alors été activé par le service humanitaire et de protection civile de la Commission européenne (DG ECHO) le 25 janvier 2015 (voir le site d'activation). La première carte de référence a été publiée dès le lendemain (cf. figure 3), donnant une première estimation de la population exposée au sein de la zone d'intérêt (cf. tableau 1). Le 28 janvier 2015, les premières cartes de délimitation ont été publiées (cf. figure 4), donnant une estimation plus précise du nombre de personnes affectées dans la zone inondée (cf. tableau 2). 

Figure 3: Carte de référence (Source: Copernicus) 

Table 1: Tableau des données concernant l’exposition, établit à partir de la carte de référence (zoom). L’estimation de la population exposée dans la zone d’intérêt a été réalisée en utilisant les données LandScan (Source: Copernicus) 

Figure 4: Carte de délimitation (Source: Copernicus) 

Table 2: Population, habitations et infrastructures routières affectées. L’estimation du nombre de personnes affectées par les inondations dans la zone est basée sur les données Landscan (Source: Copernicus).