À quoi sert le suivi de la sécheresse ?
Les sécheresses sont qualifiées de risques naturels à évolution lente car ces phénomènes s’installent de façon progressive. Les sécheresses attirent souvent peu d’attention avant d’engendrer des famines ou de provoquer d’importants incendies de forêts. Malheureusement, la réponse aux sécheresses est trop souvent réactive en termes de gestion de crise.
D’après l’Organisation météorologique mondiale (MMO), les sécheresses sont de loin les catastrophes naturelles les plus néfastes, à cause de leurs impacts socio-économiques à long terme.
Une détection anticipée de ces phénomènes est importante, puisqu’elle permet de mieux gérer les pertes de récoltes, et de prévenir ou d’atténuer les potentielles famines qui leurs sont associées. Cela permet également de mieux faire face au risque accru d’incendie. Les images satellites aident à surveiller les précipitations, l’humidité du sol et la santé de la végétation. Elles soutiennent ainsi les systèmes de détection anticipée des sécheresses. Ces images sont utilisées pour alimenter des bulletins mensuels relatifs aux phénomènes de sécheresse, et pour émettre des alertes.
Comment les sécheresses sont-elles surveillées de l’espace ?
Les sécheresses météorologiques sont définies par un déficit pluviométrique sur une longue période. Elles peuvent se transformer en sécheresses agricoles, qui sont caractérisées par une carence en eau dans le sol, qui conduit à un stress hydrique pour les plantes et à un rendement agricole réduit. Les sécheresses agricoles peuvent alors évoluer en sécheresses hydrologiques, qui désignent quant à elles un déficit d’approvisionnement en eau de surface et souterraine. Ces différentes définitions impliquent l’utilisation de plusieurs paramètres pour surveiller les sécheresses: les précipitations, la température, l’évapotranspiration, l’humidité du sol et la végétation. Ces paramètres peuvent être observés depuis l’espace.
L’utilisation d’indices relatifs à la végétation est une approche populaire en raison de sa simplicité. Les indices relatifs à la végétation, comme l’indice NDVI ou l’indice EVI, sont disponibles gratuitement en temps quasi réel (voir l’Application des données pour les indices de végétation). De plus, le calcul des anomalies ou de l’indice de l’état de la végétation, qui indique l’état de verdure de la végétation par rapport à une série chronologique, est simple (voir la Méthode recommandée par le Bureau d’appui régional iranien de l'ONU-SPIDER). Un inconvénient de l’approche basée sur l’étude de la végétation est que la sécheresse est déjà avancée lorsque le stress hydrique est observable via la couverture végétale.
Le taux d’humidité dans le sol permet d’indiquer plus tôt des carences en eau que les indices de végétations. Les données sur l’humidité des sols sont également disponibles gratuitement et en temps quasi réel, mais avec une résolution spatiale plus faible (voir l’Application des données pour mesurer l’humidité du sol). A l’heure actuelle, les données sur l’humidité du sol ne sont pas pleinement exploitées pour la surveillance de la sécheresse.
Les données sur les précipitations proviennent généralement des stations climatiques. Cependant, la couverture spatiale des stations climatiques n’est parfois pas satisfaisante, et l’interpolation des données relatives aux précipitations est par conséquent grossière. Les capteurs satellites comme le “Tropical Rainfall Measuring Mission” (TRMM, voir les actualités associées) et le nouveau “Global Precipitation Measurement Mission” de la NASA/JAXA (GPM, voir les actualités associées) peuvent compléter ou remplacer les données sur les précipitations émises par les stations climatiques dans les zones où les données au sol ne sont pas disponibles.
Les systèmes de surveillance des sécheresses existants utilisent des données satellitaires disponibles gratuitement, parfois complétées par des données au sol. Ils fournissent gratuitement des indices pré-calculés, des anomalies, et des informations agricoles en temps quasi-réel et à l’échelle mondiale et nationale.
Comment puis-je accéder aux informations relatives à la surveillance de la sécheresse ?
Plusieurs organismes dans le monde traitent des données satellitaires afin de fournir des informations utiles pour la surveillance de la sécheresse, et afin de venir en appui aux systèmes d’alerte rapide en cas de sécheresse. Ils offrent des cartes interactives, des cartes statiques en temps quasi-réel ainsi que des bulletins mensuels sur la sécheresse, destinés aux décideurs. Voir ci-dessous pour accéder à ces informations.
Accéder aux outils de surveillance mondiale de la sécheresse
Le réseau des systèmes d’alerte anticipée du risque de famine (FEWS NET) de l’agence américaine pour le développement international (USAID) fournit des données publiques gratuites en temps quasi réel, et archivées sur son portail de données mondial USGS FEWS NET, ainsi que sur ses portails régionaux de données pour l’Afrique, l’Amérique centrale/les Caraïbes/le Mexique, l’Asie du Sud et l’Asie Centrale.
Les informations comprennent le NDVI (NDVI lissé dans le temps, anomalie moyenne, différence avec l’année précédente, et pourcentage de la moyenne), basé sur des compositions MODIS de 10 jours en temps quasi-réel ou archivées pendant 2 ans ; différents indices basés sur les estimations de précipitations et les données auxiliaires du satellite TRMM sur 5 ans, comme l’indice de satisfaction des besoins en eau, qui est un indicateur de la performance des récoltes basé sur la disponibilité en eau pendant la saison de croissance des cultures ; le début de la saison des pluies et des cultures et les anomalies liées ; l’indice en eau dans le sol (SWI) ; les estimations et prévisions des précipitations ; les anomalies saisonnières d’accumulation de précipitations, le nombre de jours consécutifs de sécheresse.
Les données NDVI sont disponibles au format GEOTIFF, et toutes les autres informations sont disponibles sous forme de graphiques au format PNG. De plus, un explorateur de systèmes d’alerte anticipée permet la visualisation interactive et le téléchargement de données, comme le NDVI et les précipitations en Afrique. Une interface expérimentale d’aide à la décision, avec les zones de cultures, les conditions de sécheresses actuelles et les données archivées pour l’Afrique, complète les services FEWS NET.
L’organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), fournit, via son système d’indice de stress agricole (ASIS), un ensemble de cartes mondiales en ligne, gratuites, et accessibles au public. Ce système apporte des informations en temps quasi-réel (10 jours) sur des indicateurs saisonniers, tels que l’indice de stress agricole (ASI), l’avancement de la saison, et l’indice moyen de la santé de la végétation (VHI). Un rapport annuel résumant les données, illustré de cartes du début jusqu’à la fin de la saison, est également disponible. La plateforme ASIS permet également d’obtenir des informations en temps quasi-réel ainsi que des résumés mensuels sur les indices de végétation (anomalie NDVI, VCI, VHI), et sur les précipitations (estimation des précipitations, anomalies, et estimation des précipitations moyennes à long-terme). Les archives des cartes mondiales publiées en ligne sont également disponibles à partir de 1984. Enfin, la plateforme recense des indicateurs de végétation et de précipitation à l’échelle nationale pour les 12 derniers mois, également représentés sous forme de graphiques.
Ayant retenu l’agriculture comme étant un domaine présentant un intérêt pour la société, le Groupe d’Observation de la Terre (GEO), à travers son initiative pour le suivi mondial de l’agriculture (GEOGLAM), fournit des données mensuelles sur les perspectives de récoltes mondiales du blé, du maïs, du riz et su soja. Cette initiative soutient également le système d’information sur les marchés agricoles de la FAO (AMIS).
De plus, GEOGLAM offre un outil interactif d’analyse mensuelle pour les pays faisant parti du programme AMIS. Les couches de données disponibles via cet outil comprennent les anomalies de précipitations, de températures et le NDVI (depuis août 2013) ainsi que des masques de culture et des calendriers de culture associés pour ces quatre types de cultures. Cet outil d’analyse permet de visualiser les quatre stades de croissance des cultures (semis, début de la croissance végétative, phase végétative et reproductive de la plante, période de maturation jusqu’à la récolte, et hors saison), ainsi que les conditions de culture (exceptionnelles, favorables, particulières, mauvaises). Les données satellitaires GEOGLAM sont disponibles via Earth Explorer (Landsat) et via l’Université du Maryland (MODIS).
Le Centre pour la science et les systèmes d’information spatiale (CSISS) fournit un système mondial de surveillance et de prévision de la sécheresse agricole (GADMFS), ainsi qu’un outil en ligne pour la surveillance de la sécheresse comprenant l’indice de condition de la végétation (VCI), l’indice normalisé de la différence de végétation (NDVI) et une couche de données représentant six niveaux de sécheresse (absence de sécheresse, anormalement sec, sécheresse modérée, sécheresse sévère, sécheresse extrême, sécheresse exceptionnelle).
L’organisme national des Etats-Unis pour l’information intégrée sur la sécheresse (NIDIS) en collaboration avec des partenaires internationaux fournit, avec son système mondial d’information sur la sécheresse (GDIS), une plateforme d’informations non-normatives sur la sécheresse, provenant d’acteurs locaux. Le but est de rendre les conditions de sécheresse comparables dans le monde entier. La plateforme offre une carte interactive avec les couches suivantes : indice standardisé de précipitations (SPI) à l’échelle mondiale dérivé de mesures provenant de stations météorologiques (de 1 à 24 mois), et SPI basé sur les estimations du Centre mondial de climatologie des précipitations (GPCC) à partir de données télédétectées (de 1 à 24 mois) ; l’humidité du sol pour l’Afrique ; les percentiles des précipitations et de l’humidité du sol pour l’Australie, l’humidité du sol, les précipitations mensuelles, le SPI, la teneur en eau de la végétation (NDWI), la productivité de la végétation (fAPAR) et l’indicateur combiné de sécheresse pour l’Europe ; et le SPI, les indices de sécheresse de Palmer, et le pourcentage des précipitations moyennes pour l’Amérique du Nord. Un aperçu des conditions actuelles de l’indice standardisé de précipitations (SPI) ; de l’indice de santé de la végétation (VHI) et de la surveillance globale de la sécheresse est également disponible. De plus, la plateforme fournit des liens vers d’autres plateformes régionales de surveillances des sécheresses, développées par des partenaires internationaux. Parmi elles, la plateforme de surveillance du Ministère Australien de l’Agriculture, le système de surveillance Africain des inondations et des sécheresses (AFDM), l’Observatoire européen de la sécheresse et le portail Nord-Américain de la sécheresse.
Le système de données et d’information de la NASA (EOSDIS) permet d’accéder à des données satellitaires potentiellement utiles pour l’observation de la sécheresse, et disponibles en temps quasi-réel. En effet, le capteur MODIS offre des données corrigées sur le niveau de réflectance (couleurs réelles et bandes 7-2-1), sur le niveau de réflectance de la surface de la Terre (bandes 1-2-1), sur la couverture neigeuse et les précipitations. Les données satellitaires peuvent être visualisées dans l’outil de cartographie interactive “Worldview” de la NASA disponible en ligne, où peuvent également être superposées des couches issues du centre de données et d’applications socio-économique (SEDAC) sur le risque économique de sécheresse (2000) et la fréquence et distribution des risques de sécheresse (1980-2000). Cette dernière donnée est également visualisable et téléchargeable sur l’interface web fournie par Databasin.
Accéder aux outils régionaux de surveillance de la sécheresse
Outre les plateformes mondiales de surveillance de la sécheresse, de nombreuses régions dans le monde ont mis en place leurs propres plateformes. Certaines plateformes mondiales fournissent également des informations régionales, comme par exemple :
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Surveillance de la sécheresse pour les Etats-Unis (NDMS)
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Carte de l’indice de sécheresse pour la végétation – Etats-Unis uniquement (VegDRI - USGS)
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Indice combiné amélioré de la sécheresse en Asie du Sud-Est (TU Vienna)
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Système d’alerte précoce du risque de famines (FEWS NET - USGS)
Comment sont utilisés les ensembles de données pour la gestion des risques de catastrophe et les interventions d’urgence ?
Les informations de surveillance des sécheresses obtenues par satellite sont utilisées par les gouvernements afin de connaître l’évolution de la situation, et notamment pour réaliser des bulletins mensuels sur la sécheresse.
Cependant, les informations satellitaires utiles et disponibles ne sont pas toutes fournies dans un format utilisable, et toutes les informations disponibles ne sont finalement pas toutes utilisées pour appuyer les décisions visant à atténuer les impacts des sécheresses. Un article récent d’Enenkel et al. (2014), publié dans la revue « Global Food Security », montre que le potentiel des informations satellitaires pour soutenir les décisions de gestion des risques de catastrophe n’est pas encore pleinement exploité. Des solutions techniques, telles que la création de portails continentaux et mondiaux sur la sécheresse sont disponibles, mais ces solutions ne sont pas toujours adaptées aux besoins de l’utilisateur final. Enenkel et al. proposent un système opérationnel d’aide à la décision (voir la figure ci-dessous). Ce système montre que la surveillance de paramètres, tels que la couverture végétale, l’humidité du sol, les précipitations, l’identification de seuils critiques, les prévisions saisonnières et l’application de ces modèles avancés d’observation de la Terre ne suffisent pas à soutenir les choix des décideurs. En effet, il existe des lacunes quant aux liens entre ces solutions et les besoins des utilisateurs. Les informations doivent être rendues plus facilement accessibles, et des données environnementales avec des informations socio-économiques, y compris des données participatives, doivent être intégrées.
L'ONU-SPIDER contribue à cette tâche en rassemblant des parties prenantes issues des communautés techniques de gestion des risques de catastrophes et d’intervention d’urgence lors d’ateliers et de conférences, en fournissant le portail de connaissances de l'ONU-SPIDER qui joue un rôle de centre d’information pour les deux communautés, et en offrant un soutien consultatif technique, comprenant le développement de pratiques recommandées en fonction des besoins des utilisateurs. Lors de la 6ème réunion annuelle des Bureaux d’appui régionaux à Vienne en février 2015, il a été décidé de lancer la deuxième étape du projet de pratiques recommandées : valider les pratiques d’un point de vue technique, et évaluer les résultats du point de vue de l’utilisateur.